"La théorie de la relativité restreinte doit son origine aux équations de Maxwell décrivant le champ éléctromagnétique. Inversement, ces dernières ne peuvent être appréhendées de façon pleinement satisfaisante qu'avec l'aide de la relativité restreinte." Einstein, écrit en 1946 pour ses  "Notes Autobiographiques"

 

  A l'époque du jeune Einstein,  la mécanique classique newtonienne, en s'articulant  fondamentalement autour du principe de relativité tel qu'énoncé pour la première fois par Galilée en 1632 dans son ouvrage Dialogue sur les Deux Grands Systèmes du Monde, stipule que l'espace et le temps sont des concepts absolus.

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde
Couverture des Dialogues 1632

En termes modernes, ce principe équivaut à l'affirmation selon laquelle les lois de la mécanique sont les mêmes pour tous les observateurs inertiels, ou encore sous un jargon plus mathématique, que ces lois sont invariantes sous le groupe de Galilée[1].

D'autre part, depuis quelques années, la théorie électromagnétique de James Clerk Maxwell (1831-1879) s'impose rapidement, notamment grâce à la vérification expérimentale de l'existence des ondes électromagnétiques réalisée par le physicien allemand Heinrich Rudolf Hertz (1857-1894), entre 1886 et 1889.

Cette théorie présentée en 1865 par  le physicien écossais dans son article "Une théorie dynamique du champ électromagnétique" propose un ensemble d'équations aux dérivées partielles qui unifient les descriptions des phénomènes électriques et magnétiques à travers la notion de champ éléctromagnétique. En plus d'expliquer les lois de l'électrostatique ou de la magnétostatique déjà connues, Maxwell interprète les ondes lumineuses comme un type particulier d'ondes électromagnétiques se propageant à vitesse constante c[2] dans le vide.

             James Clerk Maxwell

Aussi révolutionnaire et unificatrice soit-elle,  la théorie de Maxwell souffre cependant d'un défaut majeur: il s'avère que les équations qui y sont formulées ne sont pas invariantes sous le groupe de Galilée[3], comme l'exigerait la mécanique classique newtonienne.

Une des deux théories, la vénérable mécanique newtonienne admise depuis plus de deux cents ans ou la toute jeune théorie électromagnétique doit donc être mise en défaut.

Comme on le verra par la suite, il reviendra à Einstein seul de remettre en cause les hypothèses de Newton sur l'espace et le temps absolus, et de considérer que les équations de Maxwell et la constance de la vitesse de la lumière sont à accepter telles quelles. Dit de manière plus précise, Einstein prit la décision de remplacer les transformations de Galilée par les transformations de Lorentz - qui laissent la vitesse de la lumière dans le vide invariante, avec ce prix dramatique à payer: les distances dans l'espace et les intervalles dans le temps sont quant à eux modifiés sous l'effet des transformations de Lorentz![4]

De ce point de vue, la théorie de la relativité restreinte peut être présentée comme la théorie permettant de réconcilier les théories de Newton (principe de relativité) et celle de Maxwell (constance de la vitesse de la lumière dans le vide) jusque-là tenues pour incompatibles.

 

 

[1] Cette invariance de la forme des lois, souvent nommée covariance, joue un rôle fondamental en physique. Comme nous le verrons par la suite, dans le cadre de sa théorie de la Relativité Générale, Einstein étendra ce principe à tous les observateurs, inertiels ou pas, et à toutes les lois de la physique, gravitation incluse.

[2] Maxwell prévoit une vitesse de propagation dans le vide égale à (ε0μ0)-1/2 où ε0 est la permittivité diélectrique du vide et où μ0 est la perméabilité magnétique du vide. La valeur de cette constante étant très proche de celle de la vitesse de la lumière alors connue, Maxwell en déduit une relation exacte c=(ε0μ0)-1/2

[3] En physique classique, la difficulté vient du fait que les équations de Maxwell sont supposées n'être valables que pour un observateur immobile par rapport à l'éther, qui joue le rôle de référentiel privilégié et ne sont plus valables dans les autres référentiels inertiels.

[4] "L'incompatibilité apparente de la loi de la propagation de la lumière avec le principe de relativité dérive d'un raisonnement qui emprunte à la Mécanique classique deux hypothèses que rien ne justifie:

- 1° L'intervalle de temps qui sépare deux événements est indépendant de l'état de mouvement du corps de référence;

- 2° La distance spatiale de deux points d'un corps rigide est indépendante de l'état de mouvement de corps de référence.

Si l'on rejette ces deux hypothèses, parce que le théorème de l'addition des vitesses du chapitre 6 n'est plus valable, le dilemme disparaît et nous voyons apparaître la possibilité de concilier la loi de la propagation de la lumière dans le vide avec le principe de relativité." Albert Einstein, La relativité Petite Bibilothèque Payot Chapitre 11 Les transformations de Lorentz.