Avant que ne soit publiée la théorie de la Relativité Générale en novembre 1915, la loi universelle de la gravitation telle que formulée par Isaac Newton en 1687 dans ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle[1] est encore unanimement considérée comme parfaitement valide afin de décrire la loi d'attraction entre deux corps.

Newton
Première édition des «Principia Mathematica» annotée de
la main d'Isaac Newton. 

Pour autant couronnée de succès qu'elle soit, la théorie newtonienne continue cependant de buter sur deux problèmes, l'un d'ordre observationnel et l'autre d'ordre plus théorique:

  •   - concernant le premier point, elle reste incapable d'expliquer l'anomalie de l'avance du périhélie de Mercure, telle que présentée dès 1859 par l'astronome français Urbain le Verrier dans une note à l'Académie des Sciences de Paris, et dans laquelle il montre que la gravitation newtonienne prévoit une valeur théorique en désaccord avec la valeur expérimentale, d'un écart d'angle de 43 secondes d'arc par siècle.
  •    - d'un point de vue plus théorique et plus fondamental, la mécanique classique assume une vitesse de propagation infinie de la force gravitationnelle, ce qui la rend incompatible avec le postulat d'une vitesse limite cosmique sur laquelle se fonde la relativité restreinte.

 

La théorie de la relativité générale peut être ainsi considérée comme une théorie de réconciliation de la gravité et de la relativité restreinte[2] et dont Einstein pourra légitimer la validité notamment en retrouvant l'exacte valeur observée pour le périhélie de Mercure.

Il faudra à Einstein plus de dix ans pour accomplir cette tâche, dont la difficulté conceptuelle et surtout mathématique[3] lui feront dire qu'en comparaison, "la théorie de la relativité restreinte est un jeu d'enfant".

La première étape de ce long et tortueux chemin fut de postuler le Principe d'Equivalence, introduit dès 1907 dans la prestigieuse revue Jahrbuch der Radioaktivität und Elektronik dans un article intitulé On the relativity Principle and the conclusions drawn from it"[4].

 

 

 

[1] Il n’existe actuellement qu’une seule traduction française des Philosophiæ naturalis principia mathematica de Newton : elle date du XVIIIe siècle (1759) et on la doit à Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet.

[2] Une autre façon d'introduire la relativité générale comme théorie synthétique est de la présenter comme la synthèse entre l'espace newtonien et la notion de champ introduite par l'électromagnétisme, puisque fondamentalement elle pose l'équivalence entre l'espace (ou plutôt l'espace-temps) et le champ gravitationnel.

"Si l'on suppose le champ de gravitation, c'est-à-dire les gik éliminé, il ne reste pas un espace, mais absolument rien, pas même un espace topologique. [...] Un espace vide, c'est-à-dire un espace sans champ n'existe pas." Albert Einstein, La relativité, La relativité et le problème de l'espace, Petite Bibliothèque Payot, p 213.

"Et voilà l'extraordinaire coup de génie d'Einstein, un des plus grands coups d'aile dans la pensée de l'humanité: et si le champ gravitationnel était l'espace de Newton, qui nous paraît si mystérieux? Et si l'espace de Newton était tout bonnement le champ gravitationnel? Cette idée, simple, splendide, fulgurante, c'est la théorie de la relativité générale" Carlo Rovelli, Par-delà le visible Editions Odile Jacob, p.75

[3] Afin de maîtriser les outils mathématiques nécessaires à l'élaboration de sa théorie - notamment les Tenseurs, Einstein bénéficiera de l'aide incomparable de son ami et ancien collègue à l'ETH de Zurich Marcel Grossmann, devenu professeur de mathématiques spécialisé en géométrie descriptive.

[4] Über das Relativitätsprinzip und die aus demselben gezogene Folgerungen, en titre original