L'équation des géodésiques(extrait du manuscrit Les fondations de la Relativité Générale §9 1916)

 

      Après quelques articles d'introduction à la Relativité Générale, notre but dans cet article est de rentrer dans le vif du sujet et de décrire le mouvement d'une particule libre dans une région soumise à la gravité. On aboutira ainsi à l'équation des géodésiques, qui consistuent une sorte d'équivalent des lignes droites en mécanique classique. Plus exactement, un corps plongé dans un champ gravitationnel, s'il n'est soumis à aucune force, se déplacera non plus le long d'une droite, mais d'une géodésique.

D'après le Le Principe d'Equivalence introduit dans notre article précédent, la démarche à suivre est donc la suivante:

  1. Décrire le mouvement dans un référentiel en chute libre
  2. Opérer un changement de coordonnées en passant du référentiel en chute libre vers le référentiel terrestre du laboratoire, celui-ci étant alors vu comme accéléré vers le haut
Étape1: Dans un référentiel en chute libre

Choisissons de nommer les coordonnées de la particule ξα  en notation indicielle, i.e l'indice α parcourt les quatres valeurs 0,1,2 et 3 avec α0 la coordonnée temporelle et les trois autres composantes désignant les coordonnées spatiales.

  • α ∈ {0,1,2,3}
  • and ξ0 = ct, ξ1 = x, ξ2 = y, ξ3 = z

 

Le mouvement de la particule libre est alors donné comme l'amplitude de l'accélération[1] étant égale à zéro, avec cependant comme point d'attention que la dérivée ne s'effectue plus par rapport au temps, mais au temps propre de la particule. Dans le référentiel (pseudo-)inertiel ainsi considéré, on sait que l'on doit en effet appliquer les équations de la relativité restreinte et donc comme souvent dans le contexte relativiste, le temps propre remplace le temps des coordonnées car le premier seul reste invariant par transformation de Lorentz[2].

 
Étape2: Dans le référentiel du laboratoire (accéléré vers le haut)

En supposant les coordonnées dans le nouveau référentiel terrestre de la forme xμ, on peut écrire:

En effet, si l'on considère simplement la première coordonnée ξ0, on peut écrire ξ0 et la dérivée de ξ0 comme fonction des xμ de la façon suivante:

On remarque que dans l'expression sommée, l'indice μ apparaît à la fois en haut et en bas. En fait, à chaque fois qu'il y a un indice répété en haut et en bas dans une même expression, celui-ci apparaît toujours dans une somme. Dans l'un de ses articles sur la relativité générale, au bout de quelques pages seulement, Einstein fut apparemment las d'écrire le signe somme et déclara derechef que, désormais, chaque fois qu'une expression comporterait un indice répété, il fallait supposer qu'une somme s'applique sur cet indice. Cette convention fut baptisée convention de sommation d'Einstein.

De sorte que, en utilisant cette convention et en supprimant le signe somme on a:

 En calculant la dérivée de l'expression ci-dessus (puisque l'on cherche une dérivée au second ordre par rapport à tau), on obtient d'abord en appliquant la formule de la dérivée d'un produit de fonctions et ensuite en multipliant les deux membres de l'expression par (dxβ/dξα):

 

Nous avons introduit une nouvelle notation, le symbole de Kronecker, qui est égal à 1 si ses deux indices sont égaux et 0 dans tous les autres cas; dans notre cas, il revient à dire qu'une dérivée partielle d'une composante selon une direction par rapport à tout autre direction qu'elle-même est nulle.

Il ne nous reste plus qu'à remplacer μ par β dans le membre de droite de notre équation:[3]

 

Soit encore:

 

Voilà donc déduite l'équation des géodésiques avec par rapport à l'équation sans champ de gravité l'apparition d'un terme en Γ, nommé connexion affine ou Symbole de Christoffel et dont on verra par la suite qu'il est de la plus haute importance en Relativité Générale[4].

Dans un prochain article, nous dériverons l'équation des géodésiques à partir du Principe de moindre action. Si l'anglais ne vous rebute pas trop, vous pouvez déjà en consulter la version non traduite : Geodesic equation from the principle of least action

[1] Dans un espace-temps à quatre dimensions, il est d'usage de parler plutôt de quadri-accélération.

[2] On se rappelle avoir à faire le même genre de substitution pour déduire l'Action relativiste, où le temps impropre avait été remplacé par le temps propre comme quantité infinitésimale à intégrer.

[3] Attention ici à ne pas remplacer l'indice μ dans le membre de gauche car cet indice représente l'indice muet de sommation, qui peut porter n'importe quel nom et qui n'est en rien lié au μ du membre présent dans le membre de droite.

[4] Nous étudierons les symboles de Christoffel de manière beaucoup plus détaillée dans les articles suivants, mais disons déjà ici que ces symboles permettent de quantifier la variation du système de coordonnées lui-même lorsque l'on étudie la variation d'un champ de vecteurs. Ainsi, si on prend un repère en coordonnées polaires, les deux vecteurs er et eθ ne sont pas constants et dépendent du point étudié.